Le premier tour des élections régionales du 20 juin 2021 a été marqué par une abstention sans précédent (66,7 %), en progression de 17 points par rapport au premier tour des élections régionales de 2015. Pour être spectaculaire, ce bond ne saurait cependant tout à fait surprendre. Il s’inscrit en effet dans une tendance enregistrée dans certains scrutins précédents, notamment lors des élections municipales de 2014, qui avaient déjà connu un premier record d’abstention (36,5 % au premier tour, 37,9 % au second), pour un type de scrutin pourtant apprécié des électeurs, mais aussi lors du second tour de l’élection présidentielle de mai 2017 (25,4 %), ainsi que lors des élections législatives de juin 2017 (51,3 % au premier tour, 57,3 % au second). Cette tendance au retrait s’était confirmée lors du second tour des dernières élections municipales (58,4 % d’abstention), le 28 juin 2020, plus d’un mois et demi après le déconfinement du 11 mai, ce qui incite à écarter la crainte de la contamination comme principale explication.
C’est dans ce contexte dominé par le retrait électoral que les présidents de région sortants se retrouvent en position favorable, tandis que les partis traditionnels semblent résister quand on les donnait pour morts. Par contraste, on voit que LREM échoue à s’implanter localement. Dominant le monde de la protestation électorale, le RN subit un revers (20 % des suffrages exprimés), compte tenu de la dizaine de points supplémentaires que lui faisaient espérer les intentions de vote et de son score lors des élections régionales de 2015 (27,7 %). L’abstention ayant touché l’électorat du RN et de Marine Le Pen plus que tous les autres, on fera l’hypothèse qu’une bonne part de cette abstention est une expression de la protestation électorale.
Depuis septembre 2019, la Fondation pour l’innovation politique s’efforce de mesurer la protestation électorale à travers un indicateur conçu dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Cet indicateur évalue la disponibilité des Français aux comportements protestataires suivants : l’abstention, le vote blanc et le vote en faveur de partis ou de candidats populistes, de gauche et de droite (LO, NPA, LFI, DLF et RN). Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, le niveau de la protestation électorale était de 60,9 % par rapport aux inscrits ; le dimanche 20 juin 2021, il était de 76,5 %.
Pour réaliser cette étude, nous avons utilisé trois sources : les données du ministère de l’Intérieur pour les élections régionales de 2015 et 2021 (nous avons arrêté le relevé des données le lundi 21 juin, à midi, un écart avec les résultats définitifs est donc possible mais il est résiduel) ; les bases de données Wikipédia concernant les élections régionales de 2015 et de 2021, afin d’identifier l’orientation politique des listes, en croisant ces informations avec les « nuances » définies par le ministère de l’Intérieur pour chacune des listes ; enfin, le blog iPolitique du journaliste Laurent de Boissieu, proposant des informations d’une grande richesse.
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